Manuella, l'animatrice engagée pour qui un bio-seau a tout changé !
Manuella anime l’atelier Inventons nos vies bas carbone depuis janvier 2024. Indépendante depuis 2023 via sa micro-entreprise, elle consacre aujourd’hui son énergie à sensibiliser aux enjeux écologiques à travers une large palette d’ateliers.
Elle revient sur les déclics qui ont transformé sa vie… et sur l’arrivée d’un simple bio-seau qui a marqué un tournant décisif dans son parcours.

Une transition écologique grâce à plusieurs déclics
Manuella ne coche pas la case « militante écolo depuis toujours ». Au contraire : longtemps, elle a cru que trier ses déchets suffisait. Pendant des années, elle a pris l’avion tous les mois pour son travail. Elle mangeait de la viande à chaque repas, adorait les nouvelles technologies, et ne se posait pas trop de questions sur sa consommation.
Le vrai point de bascule ? 2018. Sa voisine distribue des bio-seaux pour composter dans l’immeuble. Un geste anodin… mais qui déclenche quelque chose. Manuella a commencé à s’interroger sur sa façon de consommer et sa production de déchets. « Je ne m’étais jamais posé la question de ce que je jetais. » Elle découvre alors la BD Famille (presque) zéro déchet, commence à réduire ses déchets, fabrique ses tawashis. Elle expérimente et apprend.
Le bio-seau devient le premier domino d’une transition plus profonde.
« Ce n’est pas une contrainte, c’est une aventure. Je ressentais du plaisir à faire autrement, à consommer moins. »
Son empreinte carbone est passée de 20 tCO₂e/an à environ 3,7 tCO₂e/an en 2024 selon Nos Gestes Climat.
Une réduction drastique qui témoigne d’un parcours remarquable, initié par un simple bio-seau qui a ouvert la voie à une transformation complète de sa vie.

Du parcours professionnel à l'alignement des valeurs
Avant de changer de voie, Manuella a travaillé 16 ans dans le financement de projets européens. Son parcours commence dans l’éducation populaire (échanges de jeunes, volontariats à l’étranger), puis s’oriente vers des thématiques citoyennes : jumelages de villes, égalité femmes-hommes dans les collectivités.
Elle rejoint ensuite Sorbonne Université comme cheffe de projet européen en R&D dans l’informatique. Pendant six ans, elle dirige le service Europe d’un pôle de compétitivité sur le numérique : gestion d’équipe, montage de projets européens, accompagnement d’acteurs (startups, collectivités, centres de recherche…) autour de solutions numériques face aux enjeux économiques, sociaux et écologiques.
Un parcours cohérent vu de l’extérieur – avec l’engagement comme fil rouge. Mais en elle, un malaise grandissant : « Je me suis éloignée de ce qui faisait sens pour moi. »
En évoluant vers plus de responsabilités et un meilleur statut, elle voit aussi le sens s’effriter. Des demandes de subventions qui n’aboutissent pas, une dissonance cognitive de plus en plus forte, des tentatives de réorientation restées sans suite. Beaucoup d’Excel, d’audits. Moins de lien humain, surtout après le COVID et le télétravail à répétition.
En 2022, elle entame un bilan de compétences en se rapprochant de Mon Job de Sens et s’engage bénévolement auprès de Zero Waste Paris.
C’est là que tout s’enclenche. Elle anime des ateliers sur le zéro déchet et le gaspillage alimentaire en milieu scolaire. Pour le grand public, elle forme sur ces mêmes sujets, ainsi que sur le compostage, le défi « Rien de neuf », ou encore le rôle d’ambassadeur du zéro déchet.
En parallèle, elle s’investit également au sein de Fibrome Info France, où elle organise des événements et anime des tables rondes. Forte de ces expériences associatives et de belles rencontres inspirantes, elle décide de sauter le pas : elle quitte son travail et devient indépendante pour se consacrer pleinement à la sensibilisation écologique. Indépendante depuis 2023 via sa micro-entreprise, elle anime aujourd’hui une large palette d’ateliers : Fresque du Climat, Fresque des Frontières Planétaires, Fresque de l’Eau, Fresque des Déchets, Fresque du Plastique, Fresque de la Mobilité, Fresque du Numérique, Fresque de la Renaissance Écologique… Une véritable fresqueuse tout-terrain !
Elle en vit, mais son engagement dépasse largement le cadre professionnel : elle continue à animer bénévolement, s’implique dans l’association Zero Waste Paris, participe à la vie locale et œuvre activement au sein de Fibrome Info France.
Une transition en profondeur
💻️📱 Consommation
Ex-geek assumée, Manuella possédait aspirateur, balance, pots de fleurs connectés. Son dernier cadeau de pot de départ ? Une montre connectée qu’elle adorait… jusqu’au jour où elle s’est sentie coupable de ne pas faire ses 10 000 pas et en avait marre de regarder les battements de son cœur. Elle revend tout, se recentre.
Aujourd’hui, son Mac a 13 ans, son iPhone en a 7. Elle ne suit plus les sorties tech.
« Le bon sens m’a ramenée sur terre. Je n’ai pas besoin de technologie pour me dire quand arroser mes plantes. Il suffit de mettre un doigt dans la terre. »
En ouvrant sa penderie, elle a compris qu’elle n’avait pas besoin d’autant de vêtements. Elle lit alors des livres sur le désencombrement. Résultat : des placards allégés, et un esprit apaisé.
Elle a toujours été adepte d’un style épuré, inspiré de la mode scandinave, sans bric-à-brac. Le minimalisme, le zéro déchet, lui ont apporté une vraie sérénité.Tout au long de sa transition écologique, Manuella a notamment fait appel à 2 moyens mnémotechniques pour sa démarche zéro déchet et pour lutter contre les envies de surconsommation : les 5R et la méthode BISOU.

🍅🥪 Alimentation
Contrairement à beaucoup de végétariens, elle aimait sincèrement la viande. Elle en mangeait à tous les repas, tout comme le poisson, les plats préparés et surgelés – elle cuisinait peu.
Puis vient l’introspection sur son mode de vie, et l’impact de son alimentation. Le livre « No Steak » d’Aymeric Caron est une révélation. Elle commence par réduire sa consommation de viande, une fois par semaine, pour privilégier la qualité. Mais la confiance est difficile : d’où vient vraiment cette viande ? L’éthique rejoint alors les enjeux climatiques. Elle qui n’a pas toujours été l’amie des animaux, se retrouve à vouloir les défendre : ce n’est que justice.
Le déclic final : un livre de cuisine végétale offert pendant le COVID. Elle se prend de passion pour la cuisine. Épices, légumineuses, céréales : elle explore, découvre, se régale. Son conjoint et sa fille deviennent flexitariens. Quand elle n’est pas là, ils en profitent pour manger de la viande ou du poisson, mais s’adaptent et comprennent ses choix.
« Avant, j’étais loin de tout ça. […] Aujourd’hui, je passe des heures en cuisine. »
Elle prend six mois pour passer au végétarisme. Aujourd’hui, elle est à 90 % végétalienne. Les seuls écarts ? Au restaurant ou lorsqu’elle est invitée, elle peut consommer un bout de fromage ou un œuf. Aujourd’hui, fini Carrefour. Elle fait ses courses à vélo, dans une Biocoop située dans la commune voisine. Les magasins de vrac autour de chez elle ont fermé, alors elle organise des virées à Paris pour remplir ses sacoches. Dix kilomètres à vélo, bien chargée au retour !
Elle investit l’argent économisé grâce à une consommation plus sobre dans une alimentation de qualité : bio, local, de saison. Elle a perdu du poids, est en meilleure santé, et son médecin le confirme. Elle ne mange plus de produits ultra-transformés, limite le sucre, et pense nutrition sans renoncer à la gourmandise : « Qu’est-ce que ce que je mange apporte à mon corps ? »
✈️🚲️ Transport
Ancienne « Europe-trotteuse », elle a renoncé à l’avion en 2020, sauf un aller-retour long-courrier tous les 3-4 ans, pour aller voir sa famille en Guadeloupe. Elle ne s’en passerait pas.
Elle a tiré un trait sur l’Amérique latine ou l’Afrique – des rêves qu’elle ne réalisera probablement jamais. Elle a eu la chance d’aller aux États-Unis, en Thaïlande (pour 10 jours , un voyage organisé), mais ce tourisme de masse ne la fait plus rêver.
À la place, elle découvre la France, qu’elle connaissait peu : la Bretagne, les Vosges en automne, les randos en Auvergne ou dans les Pyrénées.
« Quel kif ! Je ne savais pas qu’on avait tout ça sous les yeux ! »
L’année dernière, c’était la Bretagne. Il y a eu des week-ends à Londres, à Bruxelles, à Cologne en train pour faire découvrir l’étranger à sa fille, et aussi des vacances en Italie en train – Milan, Turin. Elle imagine un jour un long voyage, peut-être avec sa fille. Partir un an, découvrir vraiment un autre pays. C’est un projet qui la fait encore rêver, mais elle est aujourd’hui apaisée avec ses choix.
🏡 Logement
Il y a 10 ans, Manuella et sa famille s’installent un peu par hasard à Gennevilliers, « une ville de banlieue populaire, hyper dynamique et attachante ». Manuella devient propriétaire dans un écoquartier, construit sur une ancienne friche industrielle de carrosserie, réhabilitée par la ville. Les logements sont très bien isolés (classe A ou B). Elle chauffe à 19°C – même si elle est frileuse, les plaids sont ses alliés.

Une sobriété choisie, entre joies et renoncements
Manuella est lucide : les tentations sont partout. Un jean, par exemple, elle en cherche un depuis un an en friperie. En un clic ou en poussant une porte d’un Levis, elle pourrait l’avoir. Mais elle résiste. Et c’est là que réside la frustration : « Le reste de la société n’a pas changé. » Elle rêve d’un boulevard Haussmann de la seconde main. Elle le reconnaît : un petit top croisé dans la rue peut encore la faire rêver, même si elle ne l’achètera pas, la tentation reste omniprésente.
Manuella ne romantise pas sa transition. Elle parle sans détour des efforts, des compromis, des renoncements. Du regard des autres, du manque d’infrastructures, de l’épuisement associatif. Les débuts ont été difficiles. Pour le végétarisme par exemple, les odeurs de cuisson lui donnaient envie. Elle tient bon, en pensant aux images chocs (type L214) pour se rappeler pourquoi elle le fait. Elle avoue que la tentation reste forte… surtout pour le fromage. Côté voiture, elle avoue que ça la dérange encore d’en avoir une, même si c’est uniquement pour les vacances. Le train est là, certes, mais parfois trop cher, trop contraignant. Elle rêverait d’un système ferroviaire plus accessible.
Mais au final, elle est plus apaisée. Plus alignée avec ses valeurs et portée par un sentiment d’utilité.
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Voici quelques œuvres qui ont marqué Manuella et qu’elle souhaite partager à son tour :









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Entretien réalisé en juillet 2024 par Camille Chiaradia. Sous la plume de Rebecca Peat.